Tuesday 1 September 2015

The project proposal

Université de Lille 3
Okay, the kids and my wife are off to school for the new school year and the first of September is also the first day of my sabbatical. It's going to be a somewhat messy start, as I'm expecting a master's student to submit his MA thesis any time now and because there are a few articles not related to the project that are in various stages of completion (euphemism for: I still have to start writing some of them). Nevertheless, befitting this grand first day, I'm pasting below the project proposal which earned me 6 months off teaching duty. The text is in French, what with me working in France. I thank my great colleague Fayssal Tayalati for the excellent clean-up job he did.


Des paradoxes qui n’en sont pas 
Au-delà de quelques énigmes en langue et linguistique
Présentation du projet pour lequel le congé est demandé
Bert Cappelle

Résumé
Ce projet s’articule autour de six paradoxes en linguistique générale et en Anglais qui n’ont presque jamais été discutés sérieusement – et qui par conséquent ne sont pas résolus – dans la littérature sur les théories des langues et du langage. Cependant, ces paradoxes, une fois que nous les avons mis en lumière, sont en fait peut-être seulement des paradoxes apparents. Il s’agit des problèmes potentiels suivants :

  1. Si « red ball » renvoie à un ballon qui est rouge, est-ce que les combinaisons comme « fake gun », « false teeth », « likely candidate », « alleged criminal », « potential winner », voire « apparent paradox », constituent des cas d’un vrai paradoxe ou d’un paradoxe apparent ? (Question qui est donc elle-même, je me rends compte, potentiellement problématique.)
  2. Le problème des existentielles négatives : si on doit affirmer de quelque chose qu’elle n’existe pas, est-ce qu’on n’est pas obligé en même temps de presupposer son existence ? 
  3. Comment peut-on expliquer que parfois on dit des choses en disant qu’on ne les dira pas ? C’est-à-dire, pourquoi les cas de praeteritio (p.ex. « … I won’t even mention that he is underage ») ne semblent-ils pas vraiment contradictoires quand nous les rencontrons dans les conversations ?
  4. Si la pragmatique traite de la modulation du sens d’une expression selon le contexte, lequel est toujours variable, est-ce que la notion de pragmatique conventionnelle (comme dans « Can you pass me the salt ? » pour faire une demande) n’est pas une contradiction dans les termes ?
  5. Phrasal verbs : le paradoxe apparent des verbes à particule est qu’ils sont à la fois des mots et des syntagmes ; ces deux statuts ne sont pas conciliables, sauf si on adhère à l’hypothèse des allostructions – des réalisations multiples d’une seule constructions schématique.
  6. La notion de la « productivité partielle » bien connue dans la morphologie (et plus récemment introduite dans la syntaxe) nous force à accepter les règles irrégulières. Comme il faut évidemment mémoriser les cas auxquels une règle improductive s’applique, comment peut-on éviter que ces règles soient expulsées de la grammaire ou qu’elles soient traités comme purement redondantes ?


Le but de la recherche est de sensibiliser la communauté linguistique à certains phénomènes ordinaires dans le comportement langagier ainsi qu’à des termes et des concepts communs dans la théorie linguistique qui sont rarement remis en question comme étant (potentiellement) problématiques. Mon objectif n’est pas nécessairement de résoudre tous ces paradoxes, mais plutôt à réaliser qu'ils existent en tant que réalité linguistique, les donc mettre en évidence, et d’explorer les faits et concepts linguistiques qui leur sont liées, comme les espaces mentaux, la pragmatique des constructions et la productivité.
Alors que j’ai beaucoup étudié l'un de ces paradoxes dans le passé (à savoir, les verbes à particule, qui, apparemment, ont des propriétés des mots seuls et des unités syntaxiques), la recherche que je souhaite mener traitera des paradoxes linguistiques en général avec comme objectif de produire un ouvrage sur la question.

Etapes
Chaque thème sera développé dans un chapitre de l’ouvrage envisagé (« Paradoxes that aren’t : Beyond some Puzzles in Language and Linguistics »). L’idée serait de consacrer environ un mois à chaque chapitre. J’ai déjà effectué la plupart des recherches préalables (littérature, données empiriques).           

Première étape/chapitre : « ‘Apparent paradox’ is only an apparent paradox »
La thématique des paradoxes classiques sera abordée, avec comme exemple principale celui d’Épiménide le Crétois, qu’on appelle le paradoxe du menteur : « Cette phrase est fausse ». Bien que cette phrase pose bel et bien un paradoxe (Beal et Glanzberg 2014), nous pouvons probablement tous convenir qu’en réalité le problème d’une phrase qui est fausse si elle est vraie et vraie si elle est fausse ne se pose pas. Tout d’abord, ce type de paradoxe extrême ne se produit pas dans les conversations ordinaires. Deuxièmement, lorsqu’on détecte néanmoins une version du paradoxe du menteur (typiquement non-auto-référentiel) ‘dans la réalité’, comme dans le cas où un politicien proclame qu’on devrait suivre ce que dit la science « qui a toujours raison », tandis qu’une étude scientifique montre qu’on ne devrait pas faire confiance au politiciens quand ils réfèrent à la science, il est clair qu’on trouvera une solution en privilégiant un point de vue particulier (p.ex. celui des sciences dans ce cas) et/ou en traitant un énoncé comme plus ou moins correct ou correct en général.
Pour les adjectifs ‘privatifs’ comme fake (Kamp 1975) je montrerai que la théorie des espaces mentaux (Fauconnier 1994) et le mélange conceptuel (‘conceptual blending’ ; Coulson et Fauconnier 1999) donne une solution qu’on pourrait étendre vers un certain emploi de non- (p.ex. a non-event ; Dugas en préparation) et vers plusieurs cas à aborder dans les chapitres suivants.
Finalement, je tenterai de montrer que ce modèle d’interprétation, qui incorpore plusieurs points de vue, peut expliquer pourquoi la formulation du paradoxe du menteur classique est problématique : il paraît impossible pour un locuteur d’établir un espace mentale qui incorpore la réalité de ce même locuteur. Par comparaison, il n’y a pas un tel problème pour un énoncé comme « The ‘blonde’ is in fact a brunette »

 Deuxième étape/chapitre : « The problem of negative existentials doesn’t exist »
Les existentielles négatives pourraient aussi poser un paradoxe. Si par exemple nous disons que « les unicornes n’existent pas », nous devons d’abord présupposer qu’ils existent avant d’asserter leur non-existence. Une solution possible est d’accepter simplement les objets non-existants (Reicher 2014), mais on peut aussi avoir recours aux espaces mentaux : une entité peut exister dans un espace mentale sans avoir une existence dans un autre (plus proche de la réalité). Bien que le problème des existentielles négatives a été au centre des travaux philosophiques depuis longtemps, nous nous préoccuperons surtout des propriétés linguistiques des énoncés non-existentiels, en abordant les questions suivantes : (i) en quoi sont-ils différents des énoncés existentiels positifs (à part le fait évident qu’ils sont négatifs) ? ; (ii) possèdent-t-ils d’autres propriétés lexicales ou syntaxiques qui les distinguent des existentiels positifs? (cf. Cappelle, Carlier, Fagard et Meulleman 2015). 

Troisième étape/chapitre : « Let’s not even mention praeteritio »
Mes recherches concernant les praeteritiones viseront à montrer que bien qu’elles soient contradictoires et donc paradoxales, ce type de phrase est motivée par les stratégies rhétoriques (Snoeck Henkemans 2009). En plus, il est possible d’argumenter que « Let’s not even mention X » n’est pas paradoxale si la phrase est traitée comme portant sur la suite du discours et que « X not to mention Y » n’est pas paradoxale non plus si cet ajout est interprété comme portant de manière métalinguistique sur la partie précédente (‘J’ai dit X pour ne pas mentionner Y’). Evidemment, plusieurs ajouts de ce type ont subi des changements sémantiques et ne sont plus analysés littéralement, ce qui est le cas d’ailleurs aussi pour encore moins en français (Cappelle et al. 2013).

Quatrième étape/chapitre « Conventional pragmatics is not a contradiction in terms »
Tout aussi paradoxale, en tout cas en apparence, est la notion de la pragmatique conventionnalisée (cf. Morgan 1977). Par exemple, la construction « Can you X? » peut être utilisée par convention pour demander une action. Le conformisme apparaît de la possibilité d’ajouter please (par exemple « Can you please pass me the salt ? »), ce qui est étrange avec les structures qui manquent cette fonction conventionnalisée (par exemple « ?Are you please able to pass me the salt ? »). Le statut pragmatique de cette interprétation, de son côté, ressort clairement de la possibilité d’utiliser toujours la structure « Can you X ? » comme une question directe (par exemple « Can you pass me the salt? », laquelle peut être formulée par un physiothérapeute à un patient pour vérifier la progression de la récupération motrice). Cependant, si la pragmatique traite de la façon dont l’interprétation d’un énoncé va au-delà de ce qu’il exprime littéralement, tandis que la conventionnalisation est le procédé dans lequel une expression devient fixe et ‘stockée’ dans le lexique mental des utilisateurs de la langue, comment peut-on distinguer le sens pragmatique du sens littéral? En d’autres termes, pouvons-nous parler de la pragmatique conventionnalisée sans que cela soit une contradiction dans les termes? Nous proposerons une solution en utilisant et modifiant la théorie de la Grammaire des Constructions.

Cinquième étape/chapitre : « Phrasal words : puzzling out the verb-particle paradox »
Comme un cinquième cas d’un paradoxe linguistique, considérez notre utilisation insouciante du terme « phrasal verb » pour désigner des combinaisons telles que find out ou move on. La facilité avec laquelle nous utilisons ce terme passe sous silence le fait qu'il manque de cohérence interne, puisqu’une phrase (en Anglais) ou un syntagme (en Français) est une unité syntaxique au-dessus du niveau des mots, tandis qu’un verbe est une catégorie de niveau des mots (Farrell 2005, Cappelle, Pulvermüller et Shtyrov 2010, McIntyre à paraître). Autrement dit, si quelque chose est une phrase (un groupe de mots), il ne peut pas être un verbe (un seul mot); et si quelque chose est un verbe (un seul mot), il ne peut pas être une phrase (un groupe de mots). Alors, comment pouvons-nous appeler quelque chose comme étant un 'verbe à particule'? Nous formulerons un ‘compromis’ en utilisant la notion de allostructions. 

Sixième étape/chapitre : « Partial productivity and the problem of irregular regularities »
Un sixième paradoxe apparent en linguistique est l'existence de règles partiellement productives, c’est-à-dire, des généralisations syntaxiques ou morphologiques qui ne parviennent pas à appliquer à tous les membres de la classe à laquelle la règle s’applique (Jackendoff 2008, Kay 2013). Par exemple, la règle qui nous permet de dire « We gave them money » ou « I told him a story » à côté de « We gave money to them » et « I told a story to him » ne permet pas de la même façon de dire « We donated them money » malgré la possibilité de dire « We gave money to them ». Donc, il y a ici une règle qui fonctionne pour certains verbes de transfert (par exemple, give, tell, ...) mais pas pour d’autres (par exemple, donate). Pour prendre un autre exemple, la règle qui ajoute -ity aux adjectifs pour former des noms s’applique aux adjectifs absurd, complex, rare et scarce mais pas à, disons, cool (*coolity). Nous disons habituellement d’une telle règle qu'elle a des «exceptions» ou, alternativement, que nous devons simplement mémoriser les items qui sont formés par la règle. Mais ce que cela revient à admettre est qu’il y a des régularités irrégulières en langue, un paradoxe avec lequel nous devrions nous préoccuper. La solution envisagée est d’abandonner une distinction stricte entre productivité complète et productivité partielle et d’étudier quelques cas spécifiques (p.ex. Adj as NP : cool as a cucumber, dead as a dodo, hot as hell mais aussi cold as hell, …) qui illustrent comment les locuteurs peuvent renforcer un schéma de ‘demi-niveau’ (p.ex. Adj as hell) sans pour autant renforcer le schéma le plus général (Cappelle 2015, Hilpert 2015)


Avantages éducatives
(...)

Références
  • Beall, Jc et Michael Glanzberg. 2014. Liar Paradox. In Edward N. Zalta (dir.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Fall 2014 Edition). Metaphysics Research Lab: Center for the Study of Language and Information. Stanford University. http://plato.stanford.edu/archives/fall2014/entries/liar-paradox/.
  • Cappelle, Bert. 2015. Conventional combinations in pockets of productivity: English resultatives and Dutch ditransitives expressing excess. In: Ronny Boogaart, Timothy Colleman et Gijsbert Rutten (dir.), Extending the scope of construction grammar. Berlin / New York: Mouton de Gruyter, 251-282.
  • Cappelle, Bert, Dany Amiot, Edwige Dugas, Maarten Lemmens, Cédric Patin, Fayssal Tayatali et Kristel Van Goethem. 2013. Dutch laat staan and French encore moins: Constructional effects. Fifth International AFLiCo Conference “Empirical Approaches to Multi-modality and to Language Variation”, Université Lille 3, Villeneuve d’Ascq, France, 15-17 mai 2011. 
  • Cappelle, Bert, Anne Carlier, Benjamin Fagard et Machteld Meulleman. 2015. No such things as distinct non-existential constructions in Western Europe? Counterevidence from Dutch, English and French. Colloque International “La predication existentielle dans les langues naturelles”, Inalco, Paris, 10-11 avril 2015.
  • Cappelle, Bert, Yury Shtyrov and Friedemann Pulvermüller. 2010. Heating up or cooling up the brain? MEG evidence that phrasal verbs are lexical units. Brain and Language 115(3), 189-201. 
  • Coulson, Seana et Gilles Fauconnier. 1999. Fake Guns and Stone Lions: Conceptual Blending and Privative Adjectives. In B. Fox, D. Jurafsky, & L. Michaelis (dir.) Cognition and Function in Language. Palo Alto, CA: CSLI.
  • Dugas, Edwige. En préparation. "Non- dans le paradigme des préfixes de négation en français : étude synchronique et diachronique". Thèse de doctorat. Université Lille 3.
  • Farrell, Patrick. 2005. English verb-preposition constructions: Constituency and order. Language 81(1), 96-137. http://escholarship.org/uc/item/6nq8q46n#page-1 
  • Fauconnier, Gilles. 1994. Mental Spaces: Aspects of Meaning Construction in Natural Language. Cambridge: Cambridge University Press. 
  • Hilpert, Martin. 2015. From hand-carved to computer-based: Noun-participle compounding and the upward-strengthening hypothesis. Cognitive Linguistics 26(1), 1-36.
  • Jackendoff, Ray. 2008. Construction after construction and its theoretical challenges. Language 84(1), 8-28. http://ase.tufts.edu/philosophy/documents/Jackendoff/Constructionafterconstruction.pdf
  • Kamp, H. 1975. Two theories about adjectives. In E. L. Keenan (dir.), Formal Semantics of Natural Language. Cambridge: Cambridge University Press, pp. 123-155.
  • Kay, Paul. 2013. The limits of (Construction) Grammar. In Thomas Hoffmann et Graeme Trousdale (dir.), The Oxford Handbook of Construction Grammar. Oxford: Oxford University Press, pp. 32-48.
  • McIntyre, Andrew. A paraître. Particle verb formation. In Susan Olsen et Peter Müller (dir.), Word-Formation: An International Handbook of the Languages of Europe. Berlin / New York: Mouton de Gruyter. http://www3.unine.ch/files/content/sites/andrew.mcintyre/files/shared/mcintyre/mcintyre..particle.HSK.ersteinreichung.vor.K%C3%BCrzung.pdf
  • Morgan, Jerry L. 1977. Two types of convention in indirect speech-acts. Technical Report No. 52. University of Illinois at Urbana-Champaign.https://www.ideals.illinois.edu/bitstream/handle/2142/17765/ctrstreadtechrepv01977i00052_opt.pdf?seque
  • Reicher, Maria. 2014. Nonexistent objects. Stanford Encyclopedia of Philosophy. In Edward N. Zalta (dir.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Winter 2014 Edition) http://plato.stanford.edu/entries/nonexistent-objects/
  • Snoeck Henkemans, A. Francisca. 2009. The contribution of praeteritio to arguers’ confrontational strategic manoeuvres. In: F. H. van Eemeren (dir.), Examining Argumentation in Context. Fifteen studies on strategic maneuvering. Amsterdam / Philadelphia: John Benjamins, pp. 241-255.

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